La construction en France du réacteur de recherche thermonucléaire international ITER implique 35 pays, dont la Russie. Le Courrier de Russie fait le point sur la contribution russe au projet.
Initié en 1985, le projet ITER est un réacteur expérimental, conçu pour tester la faisabilité scientifique et technique de la production d’énergie par fusion des noyaux atomiques. Il ne produira pas lui-même d’électricité mais permettra aux physiciens et ingénieurs de résoudre divers problèmes avant de passer à l’exploitation industrielle et commerciale de la fusion. Ce sera la plus grande installation de ce type au monde.
Il regroupe aujourd’hui 35 pays : 28 membres de l’Union européenne, mais aussi les États-Unis, l’Inde, la Chine, le Japon, la Suisse, la Corée du Sud et la Fédération de Russie. Le fonctionnement de ce réacteur à fusion nucléaire est basé sur la technologie tokamak, développée par des chercheurs soviétiques dans les années 1950. La construction de l’installation, sise près de Cadarache, dans les Bouches-du-Rhône, a commencé en 2010, pour un lancement du réacteur prévu en 2025 seulement.

Le savoir-faire soviétique
Le NIIEFA, l’Institut Efremov de recherche nucléaire de Saint-Pétersbourg, et l’Institut national de recherche Kourtchatov (Moscou) ont figuré dès le départ parmi les concepteurs chargés de développer le prototype du futur réacteur, la technologie tokamak s’étant déjà imposée parmi les spécialistes de fusion par confinement magnétique du monde entier.
Le cœur du tokamak est constitué d’une chambre à vide en forme d’anneau. À l’intérieur, sous l’influence d’une température et d’une pression extrêmes, le gaz d’hydrogène se mue en plasma — milieu dans lequel les atomes d’hydrogène peuvent fusionner et générer de l’énergie.
Le projet ITER compte en tout douze participants russes – il s’agit de diverses unités de recherche physique et nucléaire avec, en tête, l’Agence fédérale de l’énergie atomique Rosatom – qui sont responsables de 25 éléments du futur réacteur, notamment de pièces de la chambre à vide, du circuit électrique et des systèmes de diagnostic.
La participation russe en nature s’élève à 9,9 % du total des matériaux fournis par les participants pour la construction du réacteur. Parmi eux, 20 % des matériaux supraconducteurs utilisés sur le chantier proviennent des ateliers du NIIEFA.
« Une fois lancé, ITER servira de base pour le développement de nouvelles sources énergétiques dans le monde entier », a expliqué Oleg Filatov, directeur du NIIEFA, au Courrier de Russie.
L’équipe internationale qui supervise la construction du réacteur, composée majoritairement de spécialistes français et européens, compte sept représentants du NIIEFA, précise Oleg Filatov : « Les projets de ce genre sont des entreprises complexes, évidemment : les équipes sont faites de gens issus de cultures différentes, avec des mentalités différentes, des rapports différents à l’économie… Mais le plus important, c’est que le projet ITER réunit vraiment l’avant-garde – en termes humains autant que techniques. »

Face aux sanctions
Mais comment la coopération nucléaire se porte-t-elle dans le contexte de la crise économique et politique qui ébranle les relations russo-occidentales ? « Si les sanctions américaines et européennes contre la Russie n’entravent pas le fonctionnement de notre industrie nucléaire nationale, elles empêchent le dialogue avec certains pays », a admis le directeur de Rosatom, Alexeï Likhatchev, lors du Forum de la jeunesse, à Sotchi, le 20 octobre.
Ainsi, la réunion des participants du projet ITER prévue en 2017 en Russie a dû être annulée. « Certains responsables européens et américains sont interdits de séjour sur le territoire de la Fédération, ce qui nous a posé problème, a expliqué le porte-parole du projet, Robert Arnoux, au Courrier de Russie, avant de nuancer : Mais les tensions politiques qui peuvent surgir entre les pays participants ne nous concernent que de façon relative. Nous, nous sommes dans un autre monde, un monde de recherche et de travail, et nous nous efforçons d’être le moins touchés possible, a-t-il précisé. Vous savez, il y a également des tensions entre la Chine et les États-Unis – mais notre seul objectif, à nous, est de construire cette machine tous ensemble ! »

Si la Russie a terminé de livrer les matériaux supraconducteurs pour le chantier ITER, la coopération se poursuit malgré les embûches. « Jamais les difficultés rencontrées ne nous ont empêché de remplir nos obligations, insiste Oleg Filatov, qui explique que les principaux obstacles dans ce projet international, pour les Russes, sont liés à la réglementation française des activités nucléaires plutôt qu’aux sanctions ou à la chute du rouble. « Le véritable défi a été d’adapter notre matériel, confie-t-il, car la législation française sur le nucléaire, déjà très stricte, a été encore durcie après l’accident de Fukushima. »